La Ciguë
(By Émile Augier) Read EbookSize | 28 MB (28,087 KB) |
---|---|
Format | |
Downloaded | 682 times |
Last checked | 15 Hour ago! |
Author | Émile Augier |
CLINIAS, CLÉON, PARIS, tous trois couchés sur des lits autour de la table.
Paris, après un silence de quelques secondes.
Quoi ! ne trouvons-nous rien à dire, en nos cervelles,
Entre trois ?
Cléon.
Voulez-vous apprendre les nouvelles ?
Périclès…
Paris.
Périclès ! À l’autre maintenant !
Cléon.
A fait accroire au peuple…
Paris.
Ô l’homme surprenant
Qui s’inquiète encor de la chose publique,
Et croit nous divertir par de la politique !
Cléon.
Laisse-moi t’achever brièvement…
Paris.
Merci ;
Je ne veux pas savoir ce qu’on fait hors d’ici.
Buvons à nos amours !
Clinias.
Toujours la même histoire !
D’amours, je n’en ai pas.
Paris.
Eh bien, buvons pour boire.
Clinias.
Je n’ai pas soif.
Paris.
Ni moi, mais la belle raison !
La soif vient en buvant lorsque le vin est bon.
Et toi, Cléon, non plus ? Oh ! les joyeux convives !
Foin des fronts soucieux et des coupes oisives !
Je boirai donc tout seul.
Après avoir bu.
Généreuse liqueur !
Ton vin, ô Clinias, est bon comme ton cœur.
Cléon.
Heureux qui peut en dire autant, et sans blasphème,
Pour le vin qu’il déguste ou pour l’ami qu’il aime !
Paris.
Certes ! — Nous possédons tous trois ce bonheur-là.
L’existence superbe et douce que voilà !
Comme, à l’écart des sots, et quoi qu’en ait l’envie,
De festins en festins s’écoule notre vie !
Pas de parents gênants ; personne à ménager ;
De l’or, et l’appétit qu’il faut pour le manger ;
Une amitié sans fin et des amours sans suite…
Qu’avait donc à pleurer le bonhomme Héraclite ?
Clinias.
C’est la centième fois que tu tiens ce propos,
Et je vais y répondre une fois en deux mots :
Cette existence douce et superbe m’ennuie ;
Je la trouve assommante ; et, pour changer de vie,
Je vais me tuer.”